Dans ce travail, une échographie était réalisée entre 36 et 38 semaines d'aménorrhée pour mesurer l'épaisseur du segment inférieur chez des patientes ayant un antécédent de césarienne. Les auteurs ont montré que le risque de cicatrice défectueuse était directement corrélé au degré de minceur du segment inférieur aux alentours de 37 SA. Avec un seuil de 3,5 mm, la sensibilité de la mesure échographique était de 88 %, la spécificité de 73,2 %, la valeur prédictive positive de 11,8 % et surtout la valeur prédictive négative de 99,3 %. Pour les auteurs, la VPP étant faible, l'échographie ne devrait pas être utilisée pour sélectionner des patientes à qui une césarienne de principe devrait être proposée mais plutôt constituer une incitation supplémentaire à la prudence, voire à la brièveté du travail. En revanche, la VPN élevée de cette méthode devrait encourager les obstétriciens dont l'habitude est de réaliser des césariennes itératives à proposer à leurs patientes une épreuve du travail lorsque l'épaisseur du segment inférieur est >= 3,5 mm. De même, l'échographie pourrait aider à la décision dans certaines situations obstétricales difficiles (cicatrices multiples, gémellaires, déclenchements...).
Les mêmes auteurs [60] ont évalué l'influence de la pratique de cette mesure sur la prise en charge des utérus cicatriciels. Par l'étude de deux périodes successives, les auteurs concluent que la pratique de cet examen ne modifie pas le taux global d'accouchements par voie basse sur utérus cicatriciel. Cependant, la pratique de la mesure du segment inférieur est corrélée à un taux plus important de césariennes programmées, ce taux étant compensé par un nombre moins important de césariennes en urgence ; les auteurs observent également dans ce groupe un nombre plus important d'accouchements par voie basse sur utérus bicicatriciels ainsi qu'un taux global moins important de ruptures utérines. Il s'agit cependant d'une comparaison historique d'attitude au sein d'un service et d'autres facteurs que l'examen échographique de la cicatrice peuvent influencer ces chiffres.
Les antécédents et l'indication de la césarienne antérieure
Les indications de césarienne itérative liées à la persistance de la cause de la première césarienne sont rares (bassin pathologique post-traumatique, obstacle praevia, indication maternelle). Le plus souvent, l'indication de la première césarienne n'a pas de récurrence et l'ensemble des travaux confirme le taux élevé du succès de la tentative de voie basse lors de la grossesse suivante [61] [62] [63]. L'antécédent d'accouchement par voie basse, en particulier s'il est survenu après la césarienne, est également considéré comme un facteur très favorable de succès pour le futur accouchement. Plusieurs auteurs [61] [62] [63] ont essayé d'établir des scores de prédiction du succès de voie basse après césarienne. Les facteurs pris en compte dans ces scores sont habituellement : l'âge maternel, l'antécédent de voie basse, l'absence de progression du travail expliquant la césarienne précédente et les conditions cervicales. La valeur de la prédiction du succès de voie basse varie de 49 % (score minimal) à 95 % (score maximal) pour Flamm [63] et de 46,1 (score minimal) à 73,9 % (score maximal) pour Troyer [61]. Ces travaux montrent que la prédiction de l'issue du travail à partir des antécédents reste médiocre et que même lorsque les prévisions sont pessimistes, près de la moitié de ces patientes accouchent par voie basse.
Pour certains obstétriciens, un antécédent de césarienne pour disproportion foeto-pelvienne ou échec de progression de la dilatation est considéré comme un élément de mauvais pronostic obstétrical qui indique une césarienne itérative. La littérature ne légitime pas cette attitude systématique. En effet, plusieurs études ont montré des taux élevés de succès de voie basse lors de la grossesse suivante : 63 % dans la série de Troyer [61], 63,8 % (51/80) dans la série de Weinstein [62] et 67 % (1 480/2 201) dans la série de Flamm [63]. Enfin, dans la méta-analyse de Rosen [9] l'évaluation du taux de rupture ou déhiscence de la cicatrice utérine en fonction de l'indication de la césarienne antérieure ne montrait pas de risque plus important lorsque l'indication de la première césarienne était estimée récurrente (7/443, soit 1,6 % en cas d'indication « récurrente » vs 26/607, soit 4,3 % en cas d'indication « non récurrente », OR = 0,4, IC 95 % = 0,1-1,1).
La radiopelvimétrie
La radiopelvimétrie fut adoptée il y a plus de 50 ans, sans aucune étude clinique prospective préalable et connut par la suite un succès important. Les premières publications établissant une corrélation entre les mesures du bassin et l'issue du travail suscitèrent tout d'abord l'enthousiasme des obstétriciens. Par la suite, plusieurs critiques ont été opposées à la pratique de cet examen. Parmi les principaux reproches, on peut retenir le défaut de précision des mesures, l'absence de consensus vis-à-vis de valeurs normales des mesures du bassin, le risque non négligeable de l'irradiation maternelle et foetale et la faible prédiction de la radiopelvimétrie vis-à-vis de l'issue du travail. La pratique de la radiopelvimétrie pour utérus cicatriciel est actuellement critiquée par plusieurs auteurs. Sa réalisation quasi-systématique par beaucoup d'obstétriciens est étroitement liée au risque médico-légal. Plusieurs travaux récents rétrospectifs [64] et prospectifs [65] ont cependant montré que la prédiction de l'issue du travail par la radiopelvimétrie était mauvaise et que la pratique de cet examen était responsable d'une augmentation injustifiée du taux de césariennes.
L'étude rétrospective de Krishnamurthy [64] a montré que le taux de succès de la voie basse malgré une bassin jugé pathologique était de 67 % tableau IX. Dans cette série, les 3 ruptures utérines observées étaient survenues dans le groupe de patientes ayant une radiopelvimétrie normale.
Lors d'une étude prospective randomisée, Thubisi et al. [65] ne retrouvent aucune modification du taux de morbidité ou mortalité maternofoetale par la pratique de la radiopelvimétrie ; cet examen s'avérant par contre indirectement iatrogène par la pratique d'un excès de césariennes.
Les facteurs liés à la grossesse en cours
Utérus bicicatriciels
Les données de la littérature sont résumées dans le tableau XI.
Bretelle et al. [73] ont réalisé une étude rétrospective portant sur une période de 6 ans (1/1/1990 au 31/12/1995). Parmi 184 utérus bicicatriciels, 96 épreuves utérines (52 %) ont été acceptées en cas de présentation céphalique et bassin normal. Les auteurs ont analysé le déroulement, l'issue du travail et la morbidité materno-foetale. Le taux d'accouchements par voie basse après épreuve de cicatrice était de 65,6 %. Trois patientes ont présenté une déhiscence de la cicatrice, parmi elles, une hystérectomie d'hémostase a été réalisée pour atonie utérine. L'issue néonatale était favorable dans tous les cas. Après sélection soigneuse des patientes, l'épreuve de cicatrice sur utérus bicicatriciel est apparue acceptable dans la majorité des cas avec un taux important d'accouchements par voie basse et une morbidité materno-foetale faible.
Dans la série de Miller et al. [1], le taux de ruptures utérines est de 0,6 % en cas d'utérus unicicatriciel, 1,8 % en cas d'utérus bicicatriciel et de 1,2 % en cas d'utérus tricicatriciel.
Plus récemment, Caughey et al. [75] ont comparé l'issue de l'épreuve de cicatrice sur utérus uni (n = 3 757 patientes) et bicicatriciel (n = 134 patientes). Le taux de ruptures était de 0,8 % en cas d'utérus unicicatriciel et de 3,7 % en cas d'utérus bicicatriciel (p = 0,001). Les auteurs concluent donc à un risque de rupture utérine 5 fois plus important en cas d'utérus bicicatriciel. Ces chiffres sont donc supérieurs à ceux de la série de Miller [1] qui montrait un risque multiplié par 3.
Le risque de rupture utérine paraît donc modérément augmenté en cas d'utérus bicicatriciel. L'ensemble des résultats montre qu'une voie basse sur utérus bicatriciel est une option raisonnable dans la mesure où les patientes sont soigneusement sélectionnées, informées et motivées pour un accouchement par voie basse. Dans l'avenir, l'échographie de la cicatrice pourrait être un des examens pouvant inciter à accepter une voie basse [59]. Il est évident que la prise en charge de ces patientes ne pourra se concevoir que si les moyens techniques et de personnel permettent une prise en charge optimale du travail et des éventuelles complications.
Gémellaires
L'accouchement par voie basse au cours d'une grossesse gémellaire avec un utérus cicatriciel a été évalué par plusieurs auteurs.
- Miller et coll. [76] ont étudié le mode d'accouchement de 210 grossesses gémellaires avec utérus cicatriciel. Une césarienne itérative était pratiquée dans 118 cas (56 %) et un essai de voie basse dans 92 cas (44 %). 64 femmes (69,6 %) avaient accouché par voie basse. L'essai de voie basse n'avait entraîné aucune rupture utérine ni aucune augmentation de morbidité materno-foetale par rapport au groupe de patientes césarisées avant le travail tableau XIII.
Strong et al. [77] ont réalisé le même type d'étude à propos de 56 grossesses gémellaires. 31 (55 %) avaient accouché par césarienne avant le travail et 25 (45 %) avaient tenté une voie basse. Le taux d'accouchements dans ce groupe était de 72 % (18/25). Une déhiscence de la cicatrice a été notée. Les auteurs n'avaient pas observé de morbidité materno-foetale dans ce groupe.
Odeh et al. [78] ont réalisé en Israël une étude rétrospective sur 36 grossesses gémellaires et utérus unicicatriciel entre les années 1970 et 1993. La voie basse avait été envisagée pour 21 patientes (58,3 %). L'accouchement avait eu lieu par voie basse pour 17 patientes (80,9 %). Les répercussions maternelles sont résumées dans le tableau XIV. Il n'y avait pas de différence d'état néonatal dans les deux groupes.
Aboulfalah et al. [79] étudient l'issue de 25 cas d'épreuve utérine sur utérus cicatriciel et grossesse gémellaire. 21 (84 %) patientes avaient accouché par voie basse. Un cas de désunion de la cicatrice a été observé après grande extraction du siège sur utérus bicicatriciel sans conséquence materno-foetale grave.
Sièges
Peu de travaux ont été rapportés sur l'accouchement par le siège chez une patiente porteuse d'un utérus cicatriciel.
Ophir et al. [80] ont analysé de façon rétrospective 71 cas de présentation du siège. 24 patientes étaient césarisées avant le travail. Un essai de voie basse était entrepris dans 47 cas (66,2 %) avec un accouchement par voie vaginale dans 78,7 % des cas (37/47). Une rupture utérine avait été découverte en post partum. Une hystérectomie avait été pratiquée (la patiente était par ailleurs demandeuse d'une stérilisation définitive). La morbidité néonatale n'était pas différente dans les différents groupes. La morbidité maternelle globale était plus élevée en cas de césarienne itérative qu'en cas d'essai de voie basse tableau XV.
Macrosomie
L'analyse de la littérature montre que la tentative de voie basse dans ce cas de figure est le plus souvent soldée de succès sans surcroît de morbidité évident.
La série la plus importante est celle de Flamm et al. [81]. 301 essais de voie basse ont été réalisés avec des poids de naissance >= 4 000 g. Le taux de succès en fonction du poids était : 58 % (139/240) dans le groupe 4 000-4 499 g et 43 % (26/61) dans le groupe > 4 500 g. Une comparaison avec 1 475 essais de voie basse sur utérus cicatriciel avec des poids de naissance < 4 000 g ne montrait pas de différence de morbidité materno-foetale. Une comparaison avec un groupe contrôle de 301 patientes sans antécédent de césarienne et qui avaient accouché d'enfants de plus de 4 000 g ne montrait également pas de différence de morbidité materno-foetale. Les auteurs concluent qu'en cas de suspicion de macrosomie foetale chez une mère non diabétique, la tentative de voie basse n'est pas contre-indiquée.
Multipares
L'association grande multiparité et utérus cicatriciel entraîne théoriquement un surcroît de risque vis-à-vis d'une rupture utérine. Une série provenant des Émirats Arabes [85] publiée récemment montre que sur 45 essais de voie basse sur des grandes multipares porteuses d'un utérus cicatriciel, 27 (60 %) accouchaient par voie basse avec cependant 2 ruptures utérines (4,4 %) et 2 déhiscences de cicatrice.
Malformation utérine et utérus cicatriciel
Ravasia et al. [86] ont évalué le risque de l'accouchement par voie basse en cas d'utérus malformé (unicorne, bicorne et cloisonné) et cicatriciel. Les auteurs ont comparé 25 épreuves de cicatrices dans de telles conditions à 1 788 épreuves de cicatrices réalisées sur utérus unicicatriciel non malformé (groupe témoin). Les taux de césariennes dans le groupe étudié et le groupe témoin étaient respectivement de 20 % et 25,1 % ; cependant les taux respectifs de ruptures utérines étaient de 8 % et de 0,61 % (p = 0,013). De plus, toutes les césariennes réalisées sur utérus malformé avaient été réalisées en urgence pour anomalies sévères du rythme cardiaque foetal. Les auteurs concluent que le taux de ruptures utérines et de complications est élevé dans ce contexte.
Les données concernant ce type de situation sont cependant trop peu importantes pour préconiser une conduite à tenir univoque.
Facteurs liés au travail
Direction du travailOcytociques
L'ocytocine est actuellement utilisée par la plupart des auteurs, son utilisation n'ayant pas montré d'augmentation significative du risque de rupture dans les grandes séries.
Dans l'étude de Nielsen [13], l'ocytocine a été utilisée dans 40,3 % des cas (406/1 008) sans augmentation du risque de rupture utérine.
Dans la méta-analyse de Rosen [9], les auteurs ont montré que le taux de ruptures et déhiscences utérines n'était pas augmenté avec l'utilisation d'ocytociques (23/995 avec l'ocytocine vs 15/2 130 sans ocytocine, OR = 1,2 ; IC 95 % = 0,7-2,1).
Zelop et coll [87] comparent le taux de ruptures utérines en fonction de l'utilisation (n = 1 072 patientes) ou non (n = 1 142 patientes) d'ocytociques pour diriger le travail spontané. Le taux de ruptures utérines est de 1 % avec l'utilisation d'ocytociques et de 0,4 % s'ils ne sont pas employés (différence non significative, Odds ratio : 2,3 et IC 95 % : 0,8-7).
Péridurale
Dans la série de Nielsen [13], la péridurale était utilisée dans 20,3 % des cas (205 cas) sans aucun cas de rupture utérine. L'utilisation de la péridurale ne retarde pas le diagnostic de rupture utérine, les principaux signes de rupture utérine (anomalies du rythme cardiaque foetal, modification de l'activité utérine, métrorragies) peuvent être détectés en dépit de la diminution de la perception de la douleur. Dans l'étude de Zelop [87] portant sur 2 774 patientes, l'utilisation de la péridurale n'apparaît pas comme facteur de risque de rupture utérine.
Déclenchements du travailOcytociques
Plusieurs auteurs ont publié des séries de déclenchement du travail par ocytocine chez des patientes porteuses d'un utérus cicatriciel. À partir d'une analyse de 9 publications, Schaal [88] rapporte un taux de succès moyen de voie basse de 69 % (448/654).